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Initiatives & témoignages
19 juin 2020
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« J’ai le sentiment d’un retour en arrière de six mois dans certains apprentissages » - Témoignage de Peggy Le Deaut, maman d'enfants en situation de handicap

Entre télétravail, école à la maison et gestion du quotidien, Peggy Le Déaut, maman de jumeaux en situation de handicap, a surmonté tant bien que mal la période de confinement. Cette famille de la région lilloise n’envisage pas un retour à la normal avant fin août. 

Comment votre foyer a-t-il traversé cette période de confinement ? 

Nous avons mis nos vies entre parenthèses, mon mari et moi, le temps de surmonter cette tempête sanitaire, avec nos trois enfants. Nous sommes parents de jumeaux de 7 ans, Raphaëlle et Gabriel, tous deux en situation de handicap et d’une adolescente de 16 ans, Typhaine. Raphaëlle souffre d’un déficit de la force musculaire du côté gauche dû une atteinte neurologique. Gabriel est atteint de troubles du spectre autistique. Vous comprendrez que la situation de confinement dans notre appartement de 90m² n’a pas été une promenade de santé. Gabriel tolère mal les changements et ressent des angoisses morbides. Autant dire que le Covid-19 ne nous a pas aidé ! Afin que nos enfants puissent se dépenser, nous avons réaménagé le salon en aire de jeux, en y installant un château gonflable, un trampoline et un toboggan. Côté scolarité à domicile, les jumeaux recevaient une quantité importante de devoirs envoyés par leur école primaire en Belgique. Nous avons tenté de conserver notre rythme habituel, mais il faut reconnaître que le coucher est devenu un moment compliqué. Le sommeil tardait à venir et les réveils nocturnes étaient fréquents. 

Comment avez-vous adapté votre quotidien ?

Nous télétravaillons tous les deux. Nous avons donc organisé nos activités professionnelles de manière décalée, en profitant des soirées voire des nuits. Dans la journée, à tour de rôle, nous nous isolions parfois pour bénéficier d’un peu de répit. C’était vraiment une période ardue. Par chance, il y a beaucoup d’amour dans notre foyer. A plusieurs reprises, j’ai quand même eu envie de retrouver ma place de maman, de ne plus être la maitresse ou l’aidante, de regarder un film, en toute simplicité, avec mes enfants. 

Le soutien des professionnels du médico-social nous a beaucoup manqué pendant la pandémie. Ce sont des personnes importantes dans la vie de nos enfants. J’ai le sentiment d’un retour en arrière de six mois dans certains apprentissages, malgré nos efforts. Avec l’arrêt des séances d’orthophonie, l’expression verbale de Raphaëlle a reculé. La psychomotricienne manque beaucoup à Gabriel dont l'habileté manuelle s’est altérée. Ses angoisses ont également augmenté depuis l'arrêt des séances avec sa psychologue. Certains rendez-vous reprennent, tout comme l’école, une fois par semaine, mais le véritable retour à une vie normale ne devrait pas se faire avant fin août.

Quelles pistes proposez-vous afin de soulager le quotidien des aidants ?

Nous soutenons à 100% les propositions de revaloriser des salaires des personnels du médico-social, si indispensables à nos enfants tout comme aux personnes âgées. La logique commerciale qui prévaut actuellement n’est pas compatible avec les besoins humains, d’accueil, de soutien, etc. 

Il faudrait également repenser l’accompagnement des enfants en situation de handicap pour qu’il soit financièrement accessible à tous. Nous avons choisi de faire suivre nos jumeaux dans le secteur libéral, en raison des longues listes d’attentes en SESSD (Service d’éducation et de soins spécialisés à domicile) et CMPP (centre-médico-psycho-pédagogique). Nous ne pouvions pas nous résoudre à attendre et risquer la perte des acquis. Mais cela implique un reste à charge budgétaire important. Il y a aussi une vraie simplification administrative à engager : Je dois refaire tous les ans les dossiers MDPH de mes enfants, alors qu’ils sont nés avec leur handicap.

Propos recueillis par Philippe Bohlinger